Les combines pour monter son évasion fiscale
FINANCES - Un inspecteur des impôts dresse pour 20minutes.fr les scénarios type rencontrés au cours de sa carrière...
Qui se cache derrière les 3.000 noms de contribuables français visés par Bercy? La question est sur toutes les lèvres, alors que certains mettent en doute l'authenticité de cette liste. 20minutes.fr a demandé à un inspecteur des impôts de la région parisienne de dresser les profils et les scénarios type de l'évasion fiscale en France, rencontrés au cours de sa carrière.
Pour commencer, Jérôme* rappelle quelques principes de base: pour être soumis à l'impôt sur l'ensemble de ses revenus, il faut résider au moins 183 jours sur le territoire français. Les sommes concernées par l'évasion fiscale tournent toujours autour de millions d'euros. Le transfert d'argent d'un compte français à un compte hébergé dans un paradis fiscal n'est bien sûr pas le scénario le plus malin. Et chaque paradis fiscal (Suisse, Luxembourg, Lichtenstein, Gibraltar...) a ses spécificités.
L'héritier d'une somme placée dans un paradis fiscal
Les affaires de succession reviennent souvent dans les cas d'évasion fiscale. «Des capitaux en millions d'euros transitent de génération en génération dans des paradis fiscaux», explique Jérôme. Une personne qui réside en France peut par exemple hériter de sommes préalablement placées à l'étranger et échapper ainsi aux contrôles du fisc. D'autres mettent en place un «trust» (montage financier). «Monsieur Dupont se rend à Jersey et signe un contrat avec Monsieur Durand, un mandataire local (un avocat, un banquier...) chargé de placer et gérer les capitaux de M. Dupont au nom d'une troisième personne, un fils caché ou reconnu. Parfois, la troisième personne n'est autre qu'une société, un autre trust ou monsieur Dupont lui-même. Plus on empile les structures, plus c'est opaque.»
L'actionnaire ou le salarié d'une société basée dans un paradis fiscal
Dans le premier cas de figure, une personne qui réside en France a des participations dans une société basée dans un paradis fiscal. Elle perçoit ses dividendes sur un compte lui-même hébergé dans un pays qui préserve le secret bancaire et le tour est joué. Dans le second cas de figure, Jérôme cite l'exemple d'une entreprise qui avait proposé à un de ses consultants de lui ouvrir un compte en Belgique, sur lequel une de ses filiales lui aurait versé ses primes. Avec un conseil: n'utiliser la carte de ce compte qu'à l'étranger.
Le people dont le merchandising est produit dans un paradis fiscal
Un footballeur, un chanteur ou un acteur perçoivent d'une part des revenus issus de leur activité directe (salaire du club, vente de disques, entrées d'un film...) mais aussi, quand ils sont très connus, des sommes issues de la vente de produits dérivés. «Parfois, les sociétés qui se chargent de ce merchandising sont hébergées dans un paradis fiscal. Les gains perçus par la personnalité sont déclarés mais sous-imposés, une façon d'optimiser ses revenus tout en restant dans un cadre légal», explique Jérôme.
L'entrepreneur ou l'artiste qui «fraude» à la résidence
Certaines personnes maquillent leur lieu de résidence pour ne plus être soumises à la fiscalité française. Elles affirment ainsi habiter la plupart du temps (plus de 183 jours donc) dans un paradis fiscal alors qu'elles vivent toujours en France. Jérôme évoque le cas d'un entrepreneur du nord de la France qui avait déclaré habiter en Belgique afin d'échapper à l'impôt sur la fortune et à une taxe sur la plus-value tirée de la vente de son entreprise. Le fisc a découvert qu'en réalité il vivait tout le temps en France, dans ce qu'il appelait sa résidence secondaire. Idem avec le cas d'un artiste, dont la maison de disques avait loué une chambre d'hôtel à l'année en France et dont la famille résidait toujours dans la maison dite «secondaire». Les impôts en ont déduit que sa résidence était bel et bien toujours en France.
Pour commencer, Jérôme* rappelle quelques principes de base: pour être soumis à l'impôt sur l'ensemble de ses revenus, il faut résider au moins 183 jours sur le territoire français. Les sommes concernées par l'évasion fiscale tournent toujours autour de millions d'euros. Le transfert d'argent d'un compte français à un compte hébergé dans un paradis fiscal n'est bien sûr pas le scénario le plus malin. Et chaque paradis fiscal (Suisse, Luxembourg, Lichtenstein, Gibraltar...) a ses spécificités.
L'héritier d'une somme placée dans un paradis fiscal
Les affaires de succession reviennent souvent dans les cas d'évasion fiscale. «Des capitaux en millions d'euros transitent de génération en génération dans des paradis fiscaux», explique Jérôme. Une personne qui réside en France peut par exemple hériter de sommes préalablement placées à l'étranger et échapper ainsi aux contrôles du fisc. D'autres mettent en place un «trust» (montage financier). «Monsieur Dupont se rend à Jersey et signe un contrat avec Monsieur Durand, un mandataire local (un avocat, un banquier...) chargé de placer et gérer les capitaux de M. Dupont au nom d'une troisième personne, un fils caché ou reconnu. Parfois, la troisième personne n'est autre qu'une société, un autre trust ou monsieur Dupont lui-même. Plus on empile les structures, plus c'est opaque.»
L'actionnaire ou le salarié d'une société basée dans un paradis fiscal
Dans le premier cas de figure, une personne qui réside en France a des participations dans une société basée dans un paradis fiscal. Elle perçoit ses dividendes sur un compte lui-même hébergé dans un pays qui préserve le secret bancaire et le tour est joué. Dans le second cas de figure, Jérôme cite l'exemple d'une entreprise qui avait proposé à un de ses consultants de lui ouvrir un compte en Belgique, sur lequel une de ses filiales lui aurait versé ses primes. Avec un conseil: n'utiliser la carte de ce compte qu'à l'étranger.
Le people dont le merchandising est produit dans un paradis fiscal
Un footballeur, un chanteur ou un acteur perçoivent d'une part des revenus issus de leur activité directe (salaire du club, vente de disques, entrées d'un film...) mais aussi, quand ils sont très connus, des sommes issues de la vente de produits dérivés. «Parfois, les sociétés qui se chargent de ce merchandising sont hébergées dans un paradis fiscal. Les gains perçus par la personnalité sont déclarés mais sous-imposés, une façon d'optimiser ses revenus tout en restant dans un cadre légal», explique Jérôme.
L'entrepreneur ou l'artiste qui «fraude» à la résidence
Certaines personnes maquillent leur lieu de résidence pour ne plus être soumises à la fiscalité française. Elles affirment ainsi habiter la plupart du temps (plus de 183 jours donc) dans un paradis fiscal alors qu'elles vivent toujours en France. Jérôme évoque le cas d'un entrepreneur du nord de la France qui avait déclaré habiter en Belgique afin d'échapper à l'impôt sur la fortune et à une taxe sur la plus-value tirée de la vente de son entreprise. Le fisc a découvert qu'en réalité il vivait tout le temps en France, dans ce qu'il appelait sa résidence secondaire. Idem avec le cas d'un artiste, dont la maison de disques avait loué une chambre d'hôtel à l'année en France et dont la famille résidait toujours dans la maison dite «secondaire». Les impôts en ont déduit que sa résidence était bel et bien toujours en France.
TEMOIGNAGE - Un jeune Français raconte à 20minutes.fr comment il a été tenté par l'évasion fiscale...
Bercy a affirmé dimanche disposer d'une liste de 3.000 noms de contribuables français disposant de comptes en Suisse. Une annonce qui a relancé le débat sur le secret bancaire et l'évasion fiscale. Stanislas*, 30 ans, gère les «affaires de maman». Cette dernière et lui-même résident tous deux en France et sont donc soumis aux lois hexagonales en matière d'impôt. Pour 20minutes.fr, le jeune homme raconte comment ils ont été tentés par la fraude.
«Il y a deux ans, nous avons mis en vente la propriété de ma mère dans le sud de la France, d'une valeur de plusieurs millions d'euros. On s'est demandé ce qu'on allait faire de cet argent et l'idée nous est venue d'aller voir du côté des paradis fiscaux afin qu'une partie de la somme perçue soit nette d'impôts.
«Vous m'appelez d'une cabine»
Je me suis renseigné sur le Luxembourg, le Delaware (un Etat américain) et la Suisse. Ce dernier pays étant le plus proche, je suis parti à me renseigner auprès de banquiers.
Le premier m'a juste parlé de taux de rémunération, sans aborder la question de l'évasion fiscale. Le second, en revanche, n'a pas éludé le sujet. Au contraire, il m'a dit d'emblée: “On ne se téléphone pas directement, vous m'appelez d'une cabine et moi j'utiliserai des téléphones cryptés.”
«Tout ça semblait être une formalité»
Ce banquier d'une grande banque suisse, la plus grande même, m'a dit qu'il ferait appel à des avocats pour savoir comment faire sortir l'argent de la France sans que le fisc ne s'en rende compte. Il m'a même proposé de venir voir la maison dans le sud de la France. Tout ça semblait être une formalité pour lui. Mais il fallait signer un contrat avant même de savoir comment tout ça allait se passer. Et puis, j'ai su par un courtier en immobilier que le fisc était déjà au courant de la vente de la maison. Du coup, on a laissé tomber. D'autant que la chasse aux paradis fiscaux était en train d'être lancée aux Etats-Unis et en Europe.
Aujourd'hui, la maison est en train d'être vendue. Le capital hérité de la vente sera taxé mais les revenus issus des intérêts aussi, à hauteur de 39%. Sans compter l'impôt sur la fortune auquel tout notre patrimoine est soumis.»
* Le prénom a été modifié
«Il y a deux ans, nous avons mis en vente la propriété de ma mère dans le sud de la France, d'une valeur de plusieurs millions d'euros. On s'est demandé ce qu'on allait faire de cet argent et l'idée nous est venue d'aller voir du côté des paradis fiscaux afin qu'une partie de la somme perçue soit nette d'impôts.
«Vous m'appelez d'une cabine»
Je me suis renseigné sur le Luxembourg, le Delaware (un Etat américain) et la Suisse. Ce dernier pays étant le plus proche, je suis parti à me renseigner auprès de banquiers.
Le premier m'a juste parlé de taux de rémunération, sans aborder la question de l'évasion fiscale. Le second, en revanche, n'a pas éludé le sujet. Au contraire, il m'a dit d'emblée: “On ne se téléphone pas directement, vous m'appelez d'une cabine et moi j'utiliserai des téléphones cryptés.”
«Tout ça semblait être une formalité»
Ce banquier d'une grande banque suisse, la plus grande même, m'a dit qu'il ferait appel à des avocats pour savoir comment faire sortir l'argent de la France sans que le fisc ne s'en rende compte. Il m'a même proposé de venir voir la maison dans le sud de la France. Tout ça semblait être une formalité pour lui. Mais il fallait signer un contrat avant même de savoir comment tout ça allait se passer. Et puis, j'ai su par un courtier en immobilier que le fisc était déjà au courant de la vente de la maison. Du coup, on a laissé tomber. D'autant que la chasse aux paradis fiscaux était en train d'être lancée aux Etats-Unis et en Europe.
Aujourd'hui, la maison est en train d'être vendue. Le capital hérité de la vente sera taxé mais les revenus issus des intérêts aussi, à hauteur de 39%. Sans compter l'impôt sur la fortune auquel tout notre patrimoine est soumis.»
* Le prénom a été modifié
via 20minutes.fr