Sept clés pour passer le cap des dix ans
Un projet sur deux échoue dans les cinq premières années : voici les sept points forts qui ont permis aux entreprises qui réussissent de franchir le cap des dix ans.
Pour nos champions, les dix années écoulées n'ont pas été de tout repos. Surtout la première ! Le patron d'Evolis s'est posé la question de tout arrêter dès la fin du premier exercice. Pas suffisamment de clients. Chez Carex, les pertes représentaient la moitié du capital ! Chez PCA France, c'est le prêt bancaire qui a fait défaut. Et chez AVS Concept, on a carrément frôlé la catastrophe : redressement judiciaire avec plan de continuation. Sacré défi ! 1. L'expérience d'abord Connaissance du marché, expérience commerciale, réseau. Les jeunes entreprises sont d'autant plus fortes que leurs créateurs ont un passé riche. "Nous avons tout appris dans la PME de nos parents", explique Michel Guillemot, le patron de Gameloft. Plus souvent, le créateur d'entreprise a acquis son expérience dans un grand groupe. C'est le cas de Nicolas Collart-Dutilleul, fondateur de Coralys, débauché par ses clients, ou de Jean-Luc Petithuguenin, fondateur d'Hélios, déjà à la tête del'entreprise Paprec. "Vingt-cinq ans dans un grand groupe, voilà qui donne une vision beaucoup plus large du marché, en termes de moyens et de dépenses à engager. Cela aide aussi dans les relations avec les banquiers !" assure Jean Jullien, fondateur d'Emalec. Certains, comme le patron de PCA France, Alex Wu, ne supportaient plus d'être salariés. D'autres ont tout simplement cherché à créer leur emploi, tel Hamza Hassane, le fondateur de Cortix. Parfois, comme chez Paul Mas, il s'agissait de transformer un passé artisanal en une entreprise internationale. Dans le cas de Villages Clubs du Soleil, le projet était de faire d'une activité associative un business rentable en lui donnant un statut de société commerciale. Dans tous les cas, nos champions ont le sens du challenge. Parfois jusqu'à l'extrême. Handicapé, Didier Mangel, le patron d'AVS Concept, s'est lancé dans l'aventure de la création d'entreprise comme on se lance dans le grand défi de la vie. 2. Plutôt en équipe On est plus fort à plusieurs, c'est bien connu ! "Il est préférable de ne pas se lancer seul. Même moralement, c'est important", souligne Hubert Goutay, le PDG d'Alizé Commodities. De nombreux entrepreneurs interviewés soulignent la force d'être deux pour se jeter dans la bagarre. Voire plus nombreux. Chez Evolis, les fondateurs étaient cinq et sont toujours fidèles au poste. Cette idée d'équipe est partagée par les dirigeants de PME aussi diverses qu'In'Tech Médical, Carex, SIA Conseil, Pontoon... De même que la recherche de la complémentarité, y compris en famille. Ainsi, Budget Telecom, le spécialiste du téléphone low-cost, a été fondé par un couple, celui de Pascale Greppo et Khaled Zourray. Et, chez Gameloft, la fratrie Guillemot est toujours présente au grand complet. Le management collégial fait de nombreux adeptes, même si l'on trouve parmi nos champions des indépendants dans l'âme qui ont préféré se lancer seuls dans l'aventure. Un point commun à tous ces patrons : ils sont capables de susciter la cohésion et l'implication de leurs équipes. Ce point est fondamental dans le développement de leurs sociétés ! 3. Nouveaux marchés,nouvelles méthodes Evidemment, nombre des champions qui se sont lancés en 1999 ont pris pour cible les technologies de l'information, les marchés émergents à l'époque : e-commerce chez Dreamnex ou Rue du Commerce, création de sites chez Cortix, sécurité informatique chez Arkoon... Mais, pour grandir vite, l'innovation ne suffit pas. Il faut aussi savoir se positionner avec une offre originale : services et packages à destination des PME et des TPE chez Cortix, solutions sur mesure chez le spécialiste de l'orthopédie In'Tech Médical, écoute du client chez Coralys, la société de restauration collective. Enfin, nos champions n'hésitent pas à explorer des moyens de commercialisation inédits. Onyx Fioul, par exemple, repère dans les fichiers du recensement commercialisés par La Poste le mode de chauffage de ses futurs prospects. 4. Politique du juste prix
Le juste prix ne fait pas tout, mais c'est visiblement un élément clé du succès. Les clients ont tendance à acheter du prix et non de la technologie, analysent, en substance, nos champions. Il leur a donc fallu trouver la bonne formule. Même prix que ceux des grands groupes mais la qualité en plus, pour la société de restauration collective Coralys.
Même prix chez le revendeur que chez le fournisseur mais avec le service et la proximité en plus, pour le distributeur de matériel informatique Infidis. Le prix chinois sans délocaliser, promet le fabricant d'imprimantes Evolis. Un prix pour chaque jeu, adapté au marché local, précise l'éditeur de jeux Gameloft. Stratégie low-cost, revendique Budget Telecom, qui a lancé en 2004 une offre de télécommunications hard discount fondée sur un numéro Azur.
La conséquence du juste prix, c'est une gestion au couteau. Arkoon, spécialiste de la sécurité informatique, donne le ton. "L'entreprise a été gérée en bon père de famille, nous n'avons pas brûlé les étapes", précise Thierry Rouquet, le président du directoire. "Il faut être hyper organisé et industrialisé", résume Alberto Spina, le patron de Compositeworks (constructeur de bateaux).
De fait, passer le plus rapidement possible au stade industriel est la condition sine qua non pour gérer la croissance, tout en pratiquant le meilleur tarif.
5. A l'ombre des grands groupes
Nos champions revendiquent haut et fort la proximité avec leur marché, y compris avec les plus grands acteurs. La société de conseil en management et en systèmes d'information Sia Conseil a pour clients près de 50 % des entreprises du CAC 40 !
Le distributeur de matériel informatique Infidis vend ses serveurs à de grands comptes comme Dexia ou Neuf-SFR. Le spécialiste du tissage Côté Textile travaille pour Camaïeu et La Redoute.
Enfin AVS Concept, spécialiste du portage salarial dans les métiers manuels et le BTP, a noué des partenariats avec Orange et Bouygues. De tels accords avec les plus grands peuvent conduire à tisser avec eux des liens plus étroits encore. Ainsi la société de biotechnologies Genfit, associe Sanofi-Aventis à son capital pour assurer son développement.
6. Investisseurs à la rescousse
Quelques-uns de nos champions, comme SIA Conseil ou Carex, ont autofinancé leur développement. Mais la plupart ont dû ouvrir leur capital, dès leur création, pour financer, comme Genfit, une activité gourmande en fonds propres, ou pour faire face, comme Evolis, à la première grosse commande.
Ensuite, en cours de développement, il est souvent nécessaire de lever de nouveau des fonds pour franchir un palier. Tour de table, investisseurs, business angels... La finance n'a pas de secret pour les entreprises de croissance. "On apprend vite", résume l'un de nos dix champions cotés sur Alternext. Souvent l'introduction en Bourse est le moyen le plus sûr pour financer des opérations de croissance externe, le levier pour gagner des parts de marché et atteindre au plus vite la taille critique.
Nos champions, il est vrai, ne peuvent guère compter sur les banquiers pour financer de tels développements. Tous soulignent le peu d'empressement de ces derniers à les soutenir, quel que soit le secteur. Et Patrice Macar, le patron de DreamNex, d'ajouter : "De toute façon, le commerce d'objets de charme faisait de nous de vilains petits canards."
7. Cap sur l'international
"Dès le début, le marché français nous a paru trop petit", analysent Alain Degrave et Jean-Luc Malpiece, patrons d'In'Tech Médical. Même constat de la part des dirigeants d'Evolis, Paul Mas, Carex, Cortix, Pontoon ou Gameloft, qui réalisent plus de la moitié des ventes à l'international.
Sans doute aller à l'international n'est-il pas la seule méthode pour se développer, mais c'est un des principaux leviers pour générer de la croissance. Et combler ainsi le déficit d'entreprises de taille moyenne en France.
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